Une société idéale en Méditerranée
Le musée de la Corse a organisé du 11 juillet au 30 décembre 2010, une exposition temporaire consacrée aux confréries de pénitents en Corse mises en perspective avec le mouvement confraternel en Méditerranée occidentale. Cette exposition sera accompagnée d’une publication très documentée.
S’inscrivant dans un contexte méditerranéen, prenant place au cours de son histoire à côté d’autres associations pieuses de laïcs, ce mouvement confraternel dont le développement a été favorisé en Corse par les Franciscains, va irriguer la société insulaire dès la fin du Moyen-Âge, atteignant son apogée à l’époque moderne. Supprimé sous la Révolution, à nouveau autorisé sous l’Empire, il se perpétue jusqu’à nos jours, marqué par des évolutions, des phases de déclin puis de renouveau.
« Reflet et modèle des communautés », comme le souligne Mme Froeschlé-Chopard dans ses travaux, les confréries des « Disciplinati della Santa Croce », dits aussi « Battuti » en référence à la « discipline » qu’ils se donnaient publiquement ou en privé en mémoire de la Passion du Christ, se donnent à voir comme une « société idéale », égalitaire.
Régies par des statuts, administrées par des officiers qu’elles élisent – prieur, sous-prieur, trésorier –, elles témoignent d’une commune appartenance par leur habit, leur bannière, leur église qu’elles entretiennent et qu’elles ornent, jouant ainsi un rôle majeur dans la commande insulaire d’œuvres d’art, ainsi que par les manifestations de piété collectives, par les paraliturgies et les rituels organisés principalement autour de la Semaine Sainte (processions, chants, sepolcri et décors éphémères…).
Par des obligations morales de bonne conduite et de bonnes mœurs de leurs membres, par les obligations sociales d’assistance, de charité, de régulation des conflits et de réconciliation des parties – rôle de paceri –, par leur « prise en charge » de la mort, non seulement de l’agonie du confrère à son inhumation, mais aussi en qualité de « passeur des âmes » et d’intercesseurs, elles s’affirment, au cours des siècles, comme marqueur d’identité et de sociabilité d’une société rurale et urbaine dont elles renforcent, par leurs pratiques, les solidarités.
C’est de ces dominantes, révélatrices de l’aspiration constante des hommes à donner corps à une « société idéale » que cette exposition se propose de rendre compte.
L’exposition sera organisée en cinq sections majeures réunissant des œuvres et documents venus de Corse, du continent et de plusieurs pays d’Europe.
1/ Tous frères
Cette exposition est consacrée aux confréries de pénitents de Corse, marqueurs dès le Moyen Age de la sociabilité insulaire.
A côté d’elles, prirent place au cours des siècles d’autres associations pieuses de laics diffusées dans la Chrétienté :Tiers Ordres , Laudesi, confréries liées aux dévotions nouvelles post tridentines, telles celles du Saint Sacrement, du rosaire, de la Bonne Mort ou encore des Ames du Purgatoire, congrégations mariales ou du Sacré Cœur de Jésus du XIXème siècle…. sans oublier les confréries de Prêtres et de métiers.
2/ Une société idéale
Placées sous diverses titulatures, ces associations de dévots dites le plus fréquemment compagnie dei disciplinati della Santa Croce, « modèle et reflet » de communautés, se donnent à voir comme une société idéale.
Se voulant égalitaires, elles sont régies par des actes fondateurs définissant leur organisation, les droits et devoirs des membres.
Administrées par des officiers élus, relais d’institutions publiques, médiateurs et réconciliateurs, elles affirment leur commune appartenance par : l’église ou l’autel de confrérie, l’habit, la bannière, les pratiques de dévotion collective, leur présence en habit aux fêtes liturgiques et patronales.
3/ Semaine sainte et piété pénitente
Les confréries de pénitents s’affirment en corps constitué dans les paraliturgies de la semaine sainte.
Elles témoignent par leurs offices centrés sur la méditation de la passion du Christ, par leurs processions et rituels associés aux décors éphémères, par leur répertoire musical, d’une piété baroque exacerbée.
Des Rameaux au dimanche de la Résurrection, elles rehaussent également de leur présence les offices de la paroisse.
4/ Le bien mourir ou de « la mort exposée à la mort dérobée »
Les confréries avaient pour mission d’aider l’agonisant à bien mourir en l’invitant à faire son testament pour mettre en ordre ses affaires, à s’en remettre à Dieu et à la cour céleste pour le salut de son âme. De la levée de corps à la sépulture elles accompagnaient le défunt, prenant en charge les frais de funérailles, priant et faisant célébrer des messes en suffrage de leurs âmes, elles s’affirmaient aussi comme des intercesseurs privilégiés. Confrontées aux nouvelles exigences de la société elles continuent aujourd’hui encore à placer la mort au centre de leurs solidarités confraternelles.
5/ LES CONFRERIES COMMANDITAIRES
Les confréries s’affirment au cours des siècles comme des commanditaires majeurs d’œuvres d’art.
Elles édifient des chapelles indépendantes ou fondent des autels dans les églises paroissiales.
Elles les ornent de riches décors et d’œuvres exceptionnelles en faisant appel à des artistes de renom. Elles complètent cette ornementation par la commande de garnitures d’autels, d’œuvres associées à des paraliturgies et à des décors éphémères. Soucieuses de leur patrimoine qu’elles continuent d’enrichir, elles demeurent un acteur de la vie économique.
Commissariat d’exposition :
Mauricette Mattioli, Conservateur en chef du Patrimoine, chef du service de l’Inventaire à la direction du patrimoine
Marie-Eugénie Poli-Mordiconi, conservateur, responsable des collections au musée de la Corse.